INTERVIEW - PLAYTIME, L'ARCHITECTURE FAIT SON CINEMA

RENCONTRE AVEC LES COMMISSAIRES DE L’EXPOSITION

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    Extrait du film Le Mépris © Jean Luc Godard

    RENCONTRE AVEC LES COMMISSAIRES DE L’EXPOSITION
     

    David Heidelberger, Institut européen de cinéma et d’audiovisuel
    Caroline Leloup, architecte et présidente de la Maison de l'architecture de Lorraine
    Camille Tourneux, scénographe
    José Villot, architecte et président de la Maison de l’architecture de Haute-Savoie

    1/ Comment définiriez-vous la relation entre l’architecture et le cinéma ?

     

    José Villot : L'architecture, comme le cinéma, sont deux arts industriels. L'écran de cinéma, et l’écran architectural (la façade) font bon ménage. Le mouvement des images et la fluidité des parcours architecturaux se rejoignent dans la même perception : une même approche du réel sublimé.

     

    David Heidelberger : Je pense qu'il y a un lien symbiotique entre tous les arts et particulièrement entre le cinéma et l'architecture. Le cinéma utilise l'architecture comme cadre narratif pour créer des espaces et des ambiances, comme symbolisme pour représenter des idéaux, des époques, des cultures ou des états psychologiques, et aussi comme personnage via des bâtiments iconiques ou des lieux particulièrement évocateurs pouvant incarner des thèmes. 
    L'architecture quant à elle se nourrit du cinéma pour réaliser dans notre monde des imaginaires complexes et donner du sens à des lignes et des formes. Une inspiration mutuelle s'est instaurée entre l'architecture et le cinéma comme pour révéler ce que nos esprits complexes peuvent penser, imaginer, créer. 

     

    Caroline Leloup : L’architecture fait partie du cinéma, leur relation est intime ; le décor, le lieu font partie intégrante de l’histoire et deviennent parfois un personnage à part entière.

     

    Camille Tourneux : L’architecture est presque un préalable au cinéma puisqu’elle situe les actions et leur donne, dans un premier temps, une distance dans l’espace. Dans un second temps, elle permet d’amplifier le sens de la narration. Se déplacer dans l’espace, c’est aussi signifier des changements d’états : traverser une pièce, un lieu, franchir un obstacle. C’est aussi révéler une situation psychologique du protagoniste.

     

    2/ Quelles ont été vos sources d’inspirations pour la réalisation du contenu de l’exposition ?

     

    DH : Elles ont été très nombreuses : que ce soit dans le cinéma ou l'architecture, les exemples ne manquent pas. Dans bien des cas il est d'ailleurs difficile de savoir si tel lieu a été créé pour le cinéma ou si c'est le cinéma qui s'en est inspiré. Je pense notamment aux célèbres escaliers en trapèze de la Villa Malaparte à Capri, sublimés dans Le Mépris de Jean-Luc Godard, ou encore à la fameuse porte défoncée à la hache par Jack Torrance (incarné par Jack Nicholson dans Shining de Stanley Kubrick) dans ce fameux hôtel Overlook. En y réfléchissant, tellement de lieux nous semblent iconiques, et tellement de scènes de cinéma aussi ! Quant à la conception de la scénographie, elle s'est très vite imposée à nous : faire circuler le public dans des espaces pourvus de fenêtres, de portes et d'escaliers, pour sublimer des séquences emblématiques.

     

    JV : Au départ, deux principes : l’idée du plateau de cinéma en trois dimensions, qui permet des angles de vue multiples, et puis le souvenir de la 14e biennale de Venise et des Éléments d’architecture de Rem Koolhaas.

     

    CL : Nous avions envie d’une exposition ludique, qui répond au désir d’architecture en chacun de nous. L’exposition montre comment des éléments familiers de l’habitat jouent un rôle dans le cinéma et participent à orienter le récit.
    La fenêtre par exemple est un cadrage de l’intérieur vers l’extérieur : elle renvoie aussi vers l’intime.
    L’escalier quant à lui, joue un rôle d’accélérateur de mouvement, de haut en bas.

     

    CT : La scénographie de l’exposition vient à la fois de ma culture visuelle cinématographique mais aussi de mon expérimentation de la production d'images. Ma référence principale a été la caméra obscura, la chambre noire qui est l'ancêtre de l’appareil photo, qui permet justement de figer une image sur un plan, que ce soit un plan film ou simplement un écran.

     

    3/ Y a-t-il des artistes ou des œuvres que vous souhaitiez absolument faire figurer dans cette exposition ?

     

    JV : Tous les films sur les portes qui symbolisent à la fois le passage, l'ouverture vers l'imaginaire, vers la liberté…

     

    DH : Évidement la séquence des escaliers dans Le Mépris de Jean-Luc Godard ou encore l'emblématique chute de la poussette dans Le Cuirassé Potemkine de Sergueï Eisenstein. Les exemples ne manquent pas, il est d'ailleurs plus difficile de faire des choix dans la quantité d'exemples que d'en chercher.

     

    CL : Le premier réalisateur auquel j’ai pensé, c’est Wes Anderson. J’ai en tête le bateau de La vie aquatique, fabriqué en coupe à l’échelle 1 dans les studios Cinecitta. Wes Anderson se démarque par son rapport à l’architecture. Aujourd’hui, on fait beaucoup de cinéma sur fond vert mais lui, il vient casser les codes avec un côté très ludique et des couleurs accentuées.

     

    CT : L’exposition parcourt quasiment un siècle et demi d'œuvres cinématographiques : de Méliès à Tarantino. Et l’autre diagonale va être de Terry Gilliam à Dziga Vertov.

     

    4/ Quel est votre film préféré ? Et pourquoi ?

     

    JV : Mulholand Drive de David Lynch : la porte qui conduit vers le mystère, l'aventure, l'érotisme… comme un Alice au Pays des merveilles pour adultes !

     

    DH : Ça dépend des périodes, des humeurs. J'aime beaucoup le cinéma de Bertrand Blier : Trop belle pour toi me bouleverse à chaque fois, surtout grâce à son montage. Mais j'aime bien aussi les films plus grand public, les blockbusters comme Interstellar de Christopher Nolan ou plus récemment Dune de Denis Villeneuve, qui vont poser des questions plus globales sur l'humanité en général. 

     

    CL : Broken Flowers de Jim Jarmusch. Ce film nous fait traverser les États-Unis et ses différents habitats, du quartier pavillonnaire très propre à la bicoque au bord d’une route. Et puis Bill Murray… !

     

    CT : J’hésite… je dirais Pulp Fiction de Quentin Tarantino ou alors The big Lebowski des frères Cohen.

     

    5/ Quel est selon vous le bâtiment le plus cinématographique que vous connaissez ?

     

    JV : Le County Marin Civic Center de Frank-Lloyd Wright, pour le film Bienvenue à Gatacca réalisé par Andrew Niccol.

     

    DH : Sans hésiter, les Espaces d’Abraxas de Ricardo Bofill, largement utilisés dans le cinéma, les séries ou les clips vidéos. Grandioses !

     

    CL : Je suis plutôt émue par les décors des films de Robert Guédigian par exemple dans Marius et Jeannette ou La Villa.

     

    CT : Il y a une scène que j’aime particulièrement dans Brazil deTerry Gilliam : celle de l’interrogatoire dans une cheminée de centrale nucléaire.

    Retrouvez les informations détaillées sur l'exposition Playtime, l'architecture fait son cinéma présentée à Nancy, dans la Galerie Poirel Sud du 11 septembre au 7 décembre en cliquant ici !

    Informations pratiques

    Galerie Poirel Sud – Nancy
    3, rue Victor-Poirel

    exposition présentée du 11 septembre au 7 décembre
    mercredi-samedi + 1er dimanche du mois 14h-18h

    entrée gratuite

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